vendredi 28 avril 2017

Lettre à mon antidépresseur



Cher Esci,

La première fois que nous nous sommes rencontrés, je t’ai détesté, viscéralement.
Tu représentais mon échec, ma honte : je n’arrivais pas à m’en sortir seule. On m’avait élevé en me disant qu’il fallait que je souffre en silence, que je ne devais compter que sur moi-même donc j’en avais déduit que pour être forte et aimée, il ne fallait pas demander d’aide. Et tu étais là…
J’ai détesté la manière dont le pharmacien m’a regardé en me donnant ma première boîte, pour moi c’était de la pitié, j’avais encore plus honte alors que ce n’était certainement que de l’empathie. J’étais dans un tel état… Je ne pesais plus que 47 kg et je n’avais dormi que 3h durant la semaine qui avait précédé ta venue.

J’avais tout essayé pour m’en sortir seule mais je m’enfonçais toujours un peu plus. Cela faisait un bon mois que je refusais d’entendre que j’avais un problème sérieux et je n’ai accepté d’aller voir mon médecin seulement parce qu’un soir, j’ai réellement pensé à sauter. C’était inconcevable car au fond de moi, je savais que j’aimais la vie et que je n’avais pas envie de mourir.
La première fois que je t’ai avalé, je n’ai pas voulu te regarder et je t’ai affublé du surnom de « pilule du bonheur » pour te rendre ridicule. J’avais peur que tu fasses de moi une autre personne ou que tu échoues, qu’allais-je faire ?!
 Tu n’as rien dit et tu m’as aidé : tu m’as rendu le sommeil, qu’est-ce que j’ai dormi ces 15 premiers jours, c’était si bon ! Tu as fais barrière pour m’aider à prendre du recul. Le vacarme assourdissant dans ma tête s’est fait moins fort, je me suis apaisée.

Cela a duré comme ça 6 mois, je t’en voulais car moi, j’avais échoué et en même temps, j’ai eu peur quand le médecin a commencé l’arrêt, comment allais-je faire sans toi ? Est-ce que tu avais suffit à tout reconstruire ?

Non, bien sûr que non et ce premier arrêt fut un désastre annoncé. Bien évidemment que tu ne pouvais pas reconstruire ce qui avait été détruit car il ne restait plus rien qu’un champ de ruines.

Alors, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée voir un psychiatre, il t’a remis dans ma vie. Mais surtout, il m’a aidé à mettre des mots sur mes blessures. Je me souviens de cette simple phrase qu’il a prononcé : « il n’a rien de normal ou d’anormal, il n’y a que vous et ce que vous êtes ». Alors pour la première fois, je me suis regardée et j’ai arrêté d’avoir honte de qui j’étais, de ce que je voulais. Tant pis, si cela ne correspondait pas aux normes, tant pis si cela décevait.

Cela fait maintenant pratiquement deux ans que je te prends et que je vais voir le psy.

Mes séances sont souvent éprouvantes et me font travailler intérieurement comme jamais auparavant. Mais dieu ce qu’elles me font du bien ! Elles me laissent grandir, m’épanouir tel que je veux être. J’apprends à m’aimer et à prendre soin de moi, à être plus égoïste car il est primordiale que je sois bien avant de pouvoir faire quoique ce soit pour les autres.

Il y a maintenant une dizaine de jours, j’ai senti que j’étais prête. Prête à te quitter. Je commence mon arrêt, il se fera par palier et sera long mais je l’ai accepté et j’en ai besoin. Merci petite pilule du bonheur, sans toi, je ne m'en serais pas sortie...

En écrivant ces lignes, je pleure. Pas de tristesse ou de peine. Non, je pleure car je me rends compte, enfin, de ma valeur et du chemin parcouru. Je me rends compte que finalement, j’ai fais preuve de courage. J’ai eu le courage d’engager le combat et de tout faire pour m’en sortir.
Je ne suis pas faible et il n’y aucune honte à demander de l’aide quand on a atteint ses limites.

Je suis tombée en dépression non pas parce que je n’étais pas assez mais parce que j’étais trop. J’étais perdue et je n’avais plus aucune idée de qui j’étais car j’avais trop donné et je m’étais oubliée en chemin.

Ces lignes, je les dédie à ma famille ainsi qu’à T. et S.
Sans ces personnes, je me serais foutue en l’air ce soir-là sur mon balcon. Vous êtes restées, vous m’avez offerts tellement que je n’ai pas de mots pour vous exprimer ma gratitude. Alors merci d’être ces personnes extraordinaires et de faire partie de ma vie. Merci de ne pas m’avoir abandonnée. Merci pour votre amour sans faille.

A ceux qui lisent ces lignes et qui sont dépressifs : ce combat est dur mais je sais que vous y arriverez car vous êtes uniques. Vous avez votre place et vous la trouverez. Vous pouvez vous en sortir, je vous envoie plein de courage et de force. Vous êtes courageux de mener ce combat, ne l’oubliez jamais.

A ceux qui connaissent un dépressif : vous vous sentez impuissants, c’est normal. Mais cela ne veut pas dire que vous êtes inutiles dans ce chaos. Le simple fait d’être là pour la personne est la meilleure aide que vous pouvez lui apporter.
Quand elle vous dit qu’elle ne veut pas sortir car elle est fatiguée. Ne le prenez pas mal, ne pensez pas que c’est une feignante. Elle est réellement fatiguée, elle mène un véritable combat en elle.

La dépression est une maladie invisible mais les dégâts sont bien réels. Un dépressif est donc un malade au même titre qu’un malade de la grippe ou du cancer.
 Certains diront que les antidépresseurs sont de la merde et qu’on peut s’en passer. Sincèrement, je n’en sais rien, peut-être mais dans certains cas, dont le mien, on n’a pas le choix car on est au bout.

Soyez compréhensif envers le malade et son traitement.


3 commentaires:

  1. Tu es très courageuse et forte pour te livrer comme ça. En tout cas je suis là si tu as besoin ou envie et je suis très fière de te compter par mi mes amies. Gros bisous.

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  2. Merci ma Chani! Moi aussi je suis très heureuse de te compter parmi mes amis (coeur avec les doigts!).
    On se refait un déj ensemble très vite!

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  3. Coucou Princesse, oui car tu es une princesse. Sache le tu as été, tu es et tu seras toujours courageuse pour moi. Je t'ai vu tomber, te relever et sourire à nouveau. Alors oui tu es courageuse, oui tu es une winneuse et je serais toujours là pour toi. Peu importe l'heure, le jour, le temps appelle et je serais là. Félicitation ma puce et continue dans ta lancée. Un énorme bisous

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